: le climatoscepticisme, dont les médias ont relayé en grande partie les discours ; la perception que les changements climatiques sont lointains en temps et en espace ; la technicité et l’inaccessibilité du discours entourant les changements climatiques ; la perception de l’absence de corrélation immédiate entre le quotidien des gens et ces changements.
Les populations insulaires en première ligne
Dans les territoires insulaires du Pacifique, les impacts sur la biodiversité et le niveau des eaux pour certaines îles ont attiré l’attention de médias spécialisés (à l’image de Géo ou de National Geographic) et généralistes en métropole, de manière ponctuelle : les îles du Vanuatu, de Kiribati ou de Samoa, ont ainsi fait l’objet d’un traitement médiatique lorsque l’actualité politique s’y prêtait (réunions des pays du Pacifique, sommet sur le climat…).
Les effets du changement climatique sur ces territoires ont été soulignés dans les recherches scientifiques, voire vulgarisés dans un but pédagogique pour les communautés concernées.
Parmi les populations les plus exposées à ces dérèglements, à court, moyen et long termes, les plus vulnérables sont sans aucun doute les populations autochtones, et plus généralement les sociétés traditionnelles, dont les savoirs et les savoir-faire locaux sont de plus en plus mobilisés dans les programmes de développement et de conservation au nom de leur importance pour la préservation de certains écosystèmes, comme le montrent des travaux de l’IRD.
Le Vanuatu a ainsi été l’un des premiers pays à compter « ses premiers réfugiés climatiques » sur la scène internationale. Ces populations exposées principalement à cause de leurs implantations sur les côtes littorales focalisent de plus en plus l’attention des gouvernements pour une sensibilisation internationale de ces savoirs traditionnels.
C’est dans des contextes multiculturels que la transmission de ces savoirs scientifiques, voire autochtones, doit être adaptée et en adéquation avec les problématiques locales pour une meilleure sensibilisation.
Les médias ont donc ici un rôle important à jouer dans la prise de conscience et la compréhension du phénomène par les différents acteurs de la société civile. L’analyse de leur traitement peut nous éclairer sur la manière dont les problématiques du changement climatique émergent dans l’espace public.
Les journalistes constituent des passeurs de problèmes scientifiques, en vulgarisant l’information, tout en participant à véhiculer des représentations du changement climatique, selon leur ligne éditoriale et leurs sensibilités.
L’exemple de la Nouvelle-Calédonie
L’analyse des principaux médias de Nouvelle-Calédonie – que nous avons réalisée et dont nous partageons les résultats dans cet article – montre que le changement climatique est très peu abordé : sur les 768 articles sur l’environnement et le développement durable relevés, de janvier à septembre 2020 dans le quotidien Les Nouvelles calédoniennes et le média audiovisuel NC la 1ere, seuls 5 % environ étaient consacrés au climat ; le recensement a été réalisé à partir des expressions « changement climatique », « réchauffement climatique ».
Or, un certain nombre de recherches situées dans le Pacifique inscrivent leurs travaux dans les problématiques du changement climatique. On comprend, à la lumière des résultats de notre étude sur les médias calédoniens, que la recherche sur cette question est très peu diffusée auprès de la population.
Une approche internationale
Lorsqu’on étudie de près les 37 sujets sur la thématique du « changement climatique » recensés pendant cette période – à l’aide du logiciel d’analyse textuelle Iramuteq – les deux tiers concernent les événements qui se déroulent hors territoire de Nouvelle-Calédonie et, de manière générale, des îles insulaires.
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L’analyse factorielle de correspondances à partir du logiciel montre, de son côté, que les discours sur le changement climatique s’articulent autour de trois grands champs lexicaux : la démographie mondiale ; les accords européens et la Chine ; Emmanuel Macron et la proposition de référendum.
Une vision eurocentrée
Autrement dit, le traitement médiatique du changement climatique ne permet pas aux Calédoniens d’appréhender le sujet du réchauffement autrement que par la vision métropolitaine et internationale des échanges politiques sur la question.
Les médias agissent non seulement par la mise en agenda des questions qui sont portées à l’attention du public (choix des sujets) mais ils participent aussi au cadrage de l’information. Une absence de spécialisation du journalisme sur la question environnementale dans les médias calédoniens participe à un traitement plus généraliste imprégné des discours internationaux, plus ou moins conscients de la part des rédactions.
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Ceci se traduit par une mise en discours de la thématique où la figure du citoyen est principalement absente. C’est tout le paradoxe des journaux locaux dont la ligne éditoriale repose essentiellement sur la proximité avec leurs récepteurs, tant sur la dimension géographique du sujet que sur la prise en compte culturelle des représentations des publics dont la diversité ethnique caractérise la Nouvelle-Calédonie.
Dans un territoire où la diversité ethnique est importante (mélanésienne, européenne, polynésienne, asiatique) et où les représentations de l’environnement diffèrent selon les communautés, les principaux médias de la Nouvelle-Calédonie adoptent une vision eurocentrée dans la conceptualisation du changement climatique, éloignée des problématiques locales.
L’appel à une meilleure prise en compte des savoirs locaux dans la diffusion de la recherche et à une spécialisation des journalistes sur la question climatique pourront contribuer à transformer un concept abstrait en un phénomène plus perceptible et compréhensible par les populations du Pacifique.
Valentin Némia, stagiaire financé par le CRESICA (Consortium pour la recherche, l’enseignement supérieur et l’innovation en Nouvelle-Calédonie) a contribué à l’élaboration des résultats sur lesquels s’appuie cet article.
Akila Nedjar-Guerre, Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication, en délégation à l'Université de Nouvelle Calédonie, CY Cergy Paris Université
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.